La notion d’enfant en danger introduite par la loi de 2007 et non corrigée par la loi de 2016 sur la protection de l’enfance a rendu tous les intervenants et les spécialistes perplexes. Autant « enfant maltraité » était une expression parlante et ne plongeant que peu de monde dans la perplexité, autant « enfant en danger » introduit une subjectivité bien malvenue et tout à fait contreproductive par rapport aux objectifs poursuivis par ces différentes lois.
Une fois encore, face à l’imprécision de la loi, la jurisprudence est la source dans laquelle on puise pour comprendre …
Que dit la jurisprudence ?
Pour que l’enfant soit dit en danger, le danger doit être réel, actuel, certain, non hypothétique et précis.
Le danger est la condition indispensable pour que le juge puisse intervenir au titre de l’assistance éducative : si cette condition n’existe pas, il y a excès de pouvoir.
Le juge ne peut donc intervenir qu’en présence d’un danger avéré.
Nous nous intéressons ici aux situations dans lesquelles il n’y a pas de danger, mais où le juge intervient quand même, mal renseigné, ou sur le fondement de rapports erronés, comme on en voit souvent.
L’enfant qui n’était pas en danger peut se voir du jour au lendemain, placé ! Des milliers d’enfants sont dans ce cas, c’est ce que l’on appelle les placements abusifs.
Pour lutter contre un placement abusif, il faut établir que le danger au sens de la jurisprudence n’existe pas.
Il faut rappeller que la Cour de cassation exerce un contrôle sur la notion de danger : elle exige du juge des enfants et de la Cour d’appel des mineurs une motivation circonstanciée de l’atteinte à la santé, à la sécurité et à la moralité du mineur.
Les juges du fond ne pourront pas faire un placement d’enfant au vu de rapports sociaux contenant des conclusions hâtives et assez souvent démenties par des rapports ultérieurs sans que leurs décisions n’encourent la cassation.
De même un placement ne peut pas être fait « pour permettre à un juge d’étudier une problématique » !
En parcourant la jurisprudence il nous paraît important de relever de nombreux arrêts qui répètent que de simples difficultés relationnelles entre une mère et son enfant, un manque de dialogue ne constituent pas un danger.
Le danger devant être actuel, il n’existe pas si des parents ont eu précédemment des problèmes éducatifs avec un enfant mais n’en rencontrent pas avec l’enfant qui suit.
Un conflit conjugal ne crée pas automatiquement un danger pour l’enfant : les enquêteurs sociaux ont une tendance trop grande à saisir ce prétexte pour retirer l’enfant à ses parents ! (A moins bien évidemment que l’enfant soit maltraité ou témoin de violences).
De même un enfant élévé dans une certaine précarité ne doit pas être forcément déclaré en danger : il y a des enfants de familles très modestes très heureux et des enfants de familles privilégiées très malheureux. Dans le même sens les mères célibataires voient assez souvent leur enfant placé alors qu’elles ont les compétences parentales suffisantes pour élever leur enfant et qu’il n’est pas en danger avec elles.
Il faut savoir que les foyers de l’ASE ont besoin d’être remplis : les placements abusifs existent et dans les foyers il y a beaucoup d’enfants qui ne devraient pas y être. Selon l’IGAS (inspection générale des affaires sociales) la moitié des placements seraient abusifs !
Il faut dire et répéter que l’article 375-2 du code civil consacre la primauté du maintien du mineur dans son milieu actuel.
Cette règle est consacrée par tous les principes généraux issus du droit international et particulièrement par l’article 8 de la CEDH (Convention européenne des droits de l’homme) sur le droit au respect de la vie familiale.
Le placement extérieur du mineur doit rester une mesure de dernier recours et ne pas être prescrit en première intention.
Face à un placement abusif, les parents doivent faire appel des mesures prises par le juge des enfants, et présenter à celui-ci régulièrement des demandes de main-levée du placement.
Il est regrettable de constater que des enfants qui devraient être placés ne le sont pas et en subissent de très lourdes conséquences, quand des enfants sont placés alors qu’ils sont bien chez eux. Face à cette incohérence, il faut lutter infatigablement.