NOTRE TRIBUNE CONTRE LES PLACEMENTS ABUSIFS SIGNÉE PAR DES PROFESSIONNELS

TRIBUNE

Nous, Collectif de professionnels, aux côtés de l’association L’ENFANCE AU COEUR, sommes inquiets et préoccupés des pratiques de l’institution judiciaire à l’égard des enfants et des familles.

Nous, collectif de signataires, sommes attachés au principe du droit européen permettant un procès équitable dans toutes les affaires portées devant l’institution judiciaire concernant le droit des enfants.

Nous sommes inquiets du recul de la liberté individuelle fondamentale qu’est le droit à la vie familiale, tant pour l’enfant et que pour les parents.

Nous sommes persuadés du caractère essentiel pour le développement psycho- affectif d’un enfant, qu’il grandisse et s’épanouisse dans son cadre familial et que ses parents ne soient pas disqualifiés.

C’est pourquoi nous dénonçons la toute-puissance du juge des enfants de plus en plus caractérisée, face à la recrudescence des mesures judiciaires de retraits d’enfants de leur famille alors qu’aucune maltraitance ni défaillance parentale ne sont identifiées.

Nous sommes inquiets de l’augmentation constante des mesures d’éloignement d’enfants accompagnées d’une confiscation drastique des droits de visite et d’hébergement des parents, souvent réduits à un droit de visite devant un tiers, comparable dans sa rigidité, aux « parloir » des détenus. Ceci ne fait qu’augmenter l’isolement affectif et la perte de repères des enfants.

Nous refusons que des motifs utilisés dans des cas de divorce tels que le conflit conjugal, le conflit de loyauté ou bien le caractère fusionnel de la relation avec l’un ou les deux parents soient considérés par les juges comme un « danger » pour l’enfant pour justifier un placement hors de sa famille. Nous refusons de même qu’un concept non scientifique comme « l’aliénation parentale » soit utilisé pour justifier le retrait d’un enfant de sa famille.

Nous dénonçons les rapports émanant des services sociaux rédigés par un personnel n’ayant pas les compétences adéquates ni la formation pour émettre des préconisations aboutissant à des placements judiciaires aux conséquences graves et sou- vent irrémédiables sur la vie des familles mises en cause.

En effet, nombre de décisions de placements d’enfants se fondent sur des rapports sociaux non contradictoires, dont le professionnalisme et l’exhaustivité ne sont pas fiables.

Nous constatons la non-prise en compte des rapports médicaux privés, y compris de spécialistes renommés, au profit de rapports sociaux mandatés par l’autorité judiciaire, qui se prononcent sur des questions médicales sans la compétence nécessaire (notamment en matière d’autisme ou de maladies spécifiques) avec des conséquences gravissimes de toute nature.

Nous dénonçons l’absence de contradictoire réel dans une procédure où l’enjeu est fondamental, l’enfant et ses parents se retrouvant être la partie faible dans un con- tentieux qui touche à leurs libertés fondamentales garanties par la Constitution.

Nous constatons tous les jours les drames familiaux que produisent ces sépa- rations imposées judiciairement, qui détruisent la psychologie de l’enfant, son développement affectif, et disqualifient l’image parentale. De surcroît cette situation génère une errance éducative dans des foyers ou des familles d’accueil avec les échecs corrélatifs sur le parcours scolaire et les apprentissages (40% des SDF sont passés par les foyers de l’Aide sociale à l’enfance).

Nous alertons et dénonçons la « sous-traitance » des mesures de placement par l’Aide sociale à l’enfance à des organismes privés rémunérés en fonction du nombre d’enfants placés, qui conduit inévitablement à une logique de rendement. Nous dénonçons qui plus est l’opacité financière de toutes les structures d’accueil des enfants placés, en particulier l’Aide Sociale à l’Enfance dont l’opacité a été dénoncée par la Cour des comptes.

Nous demandons que soit créée une commission d’enquête sur les foyers et familles d’accueil dont certains dysfonctionnements graves (les maltraitances au sein des foyers de l’ASE) ont de nombreuses fois fait l’actualité. Nous considérons que le placement abusif en institution constitue une violence institutionnelle aux consé- quences incalculables, tant individuelles que collectives. Nous n’ignorons pas qu’un enfant placé abusivement prend la place d’un enfant réellement maltraité.

Nous demandons en conséquence que le placement d’un enfant ne puisse avoir lieu que si la défaillance parentale revêt une qualification pénale pouvant entraîner des poursuites et a contrario que soit respectée la présomption d’innocence des parents, puisque de facto une mesure de placement extérieur est privative de liberté pour l’enfant et confiscatoire de leurs droits pour ses parents.

Nous demandons que l’avis et la parole de l’enfant soient réellement pris en considération, respectés et recueillis selon des méthodes éprouvées et professionnelles et que l’enfant ne soit pas considéré comme « aliéné » lorsqu’il exprime son amour et son souhait de rester avec ses parents.

Ainsi la Justice pourra garantir à la fois les droits des enfants et de leur famille et le respect des libertés individuelles, ce qui est le devoir de toute société démocratique.

Nous rappelons le droit absolu d’un enfant à vivre avec sa famille (article 9 de la CIDE Convention internationale des Droits de l’Enfant) et la jurisprudence européenne selon laquelle un placement ne doit être ordonné que pour des raisons impérieuses et s’il existe une proportion entre cette mesure et le but recherché (arrêt Cour de justice de l’union européenne dans son arrêt Neulinger et Shuruk c. Suisse du 6-10-2010.). Sauf cas extrême dans lequel l’intégrité physique ou psychique d’un enfant serait en péril de façon objective, son intérêt supérieur est de vivre avec ses parents ainsi qu’en dispose l’article 8 de la CIDE.

C’est d’ailleurs ce que rappelle le Conseil de l’Europe dans son rapport de 2015 intitulé

« Services sociaux en Europe : législation et pratiques de retrait d’enfants à leurs familles dans les États membres du Conseil de l’Europe » puis dans celui de 2018 qui souligne « Les États membres devraient mettre en place un système garantissant le bien-être des enfants lorsque ceux-ci ont été retirés à leurs parents, et mettre fin aux pratiques abusives. »

Le placement abusif est à la fois une violence institutionnelle et un manquement à l’obligation de prendre en charge les enfants qui en ont un réel besoin, vérifié et évalué.

En conséquence, nous demandons la création d’une commission chargée d’établir un état des lieux des dysfonctionnements, des carences, des défaillances ainsi que des pratiques de l’institution judiciaire et de l’Aide Sociale à l’Enfance.

 

SIGNATAIRES :

Maître Christine CERRADA, Avocat, PARIS, Conseil de L’ENFANCE AU COEUR

Maitre Lev FOSTER, Avocat, PARIS

Maître Cyrille ACHACHE, Avocat, PARIS

Maître Marius BASDESCU, Avocat, LYON

Maître Paul GALLIX, Avocat, MONTPELLIER

Maître Marc GALLIX, Avocat, MONTPELLIER

Maître Olivier QUESNEAU, Avocat, AIX EN PROVENCE

Maître Martine MOSCOVICI, Avocat, PARIS

Maître Henry SUN, Avocat, PARIS,

Maître Pascal CUSSIGH, Avocat, PARIS

Maître Laurent HINCKER, Avocat, STRASBOURG

Maître Fabian HINCKER, Avocat, PARIS

Maître Cindy GAYANT, Avocat, PARIS

Maître Kiymet KAYA, Avocat, PARIS

Maître Coline BARALE, Avocat, STRASBOURG

Maître Jennifer THELLYERE, Avocat, STRASBOURG

Maître Catherine L’HOMME, Avocat, PARIS

Maître Audrey TOUTAIN, Avocat, AIX EN PROVENCE

Maître Cecilia COELHO, Avocat, SEINE-SAINT-DENIS

Maître Claude PUGNOTTI, Avocat PARIS

Maître Michel LEVY, Avocat PARIS

Maître Nathalie KALESKI, Avocat PARIS

Maître Carole HELMER, Avocat PARIS

Maître Delphine CAZENAVE, Avocat PARIS

Maître Florence ACHACHE, Avocat, PARIS

Maître Christophe VOCAT, Avocat, Saint-Nazaire

Maître Sophie JANOIS, Avocat, Paris

Maître Pierre VERDIER, Avocat, Paris

Maître Dominique KOUNKOU, Avocat, PARIS

Maître Jean-Baptiste MOQUET, Avocat, PARIS

Pr Claude HAMONET, Médecin, ancien interne médaille d’or des hôpitaux de Paris, spécialiste européen de médecine physique et de Réadaptation (MPR), ex professeur émérite (Université Paris-Est-Créteil), ex chef de service de MPR du CHU Henri Mondor-Albert Chenevier, médecin responsable à l’Hotel-Dieu de Paris puis au Centre ELLA santé à Paris, Docteur en Anthropo- logie sociale (Université Paris 5), Ancien directeur d’UFR/faculté (Communication et insertion dans la société) à l’Université Paris-Est-Créteil, Ex expert international (Handicap) à l’Organi- sation Mondiale de la Santé (Genève, Ex expert représentant la recherche française (Robo- tique et handicap) aux Communautés européennes, Ex expert agréé (médecine physique et de réadaptation) par la Cour de Cassation, Président de l’association COMED (Communiquer sur Ehlers-Danlos)

Dr Gérard LOPEZ, Docteur, Psychiatre, Président d’honneur de l’Institut de victimologie de Paris, Directeur de la collection « Médecine et Société » aux Presses Universitaires de France, Vice-président du Conseil National Professionnel de Médecine légale

Docteure Catherine Bonnet, pédopsychiatre, chevalier dans l’Ordre de la légion d’honneur, auteure de L’enfant Cassé, l’inceste et la pédophilie (1999), L’enfance muselée, un médecin témoigne (2007).

Dr Nicole DELÉPINE, Pédiatre, Oncologue, Maître de conférence au Collège de médecine des Hôpitaux de Paris , ex Responsable de l’unité d’oncologie pédiatrique de l’Hôpital Universi- taire Raymond Poincaré Garches AP/HP, Médaille d’Argent de l’Académie de Médecine en 1985 au titre du Service de l’Hygiène et de l’Enfance.

Karen SADLIER, Docteur en psychologie clinique, Consultante pour la Mission interministérielle (Miprof), ex directrice du département enfants et adolescents du Centre du psychotrauma de l’Institut de victimologie de Paris, Secrétaire générale de la Société européenne du stress et trauma.

Dr Florence NÉMETH médecin Dr Salima LAZAR, psychiatre

ILLEL KIESER, Psychologue pour enfant du Réseau de Professionnels pour la Protection de l’Enfance et l’Adolescence

Bernadette PATEYRON, docteur en sciences de l’éducation, chercheur, normalienne Amandine ROYER-SABATERIE, Psychologue clinicienne et victimologue

Jean-Luc MARTIN, psychologue, psychanalyste, docteur en linguistique, expert auprès de la Cour d’Appel de Paris

Yves MICHALON, Président fondateur des Editions MICHALON, Editeur de plusieurs livres sur les dysfonctionnements de la protection de l’enfance

Laurence BENEUX, Journaliste d’investigation, auteur du livre « droits des femmes, droit des enfants, l’insupportable indifférence »

Jeanne LANDRY, Auteur du livre « enfants placés, enfants sacrifiés, ça suffit ! »

Sophie ROBERT, scénariste, réalisatrice, productrice, chevalier de la légion d’honneur, au- teur et réalisatrice du film « le phallus et le néant »

Maryse LANGOT, Assistante sociale, travailleur social

Marie-Luce ARNOUX, ex Educatrice en MECS, Formatrice en travail social, Maire de Cham- bost-Longessaigne et Vice Présidente déléguée aux Solidarités actives Communauté de Communes de Monts du Lyonnais

Victor FORNITO, Chargé des questions de santé, Président de Solidarité, Ecologie, Ci- toyenneté dans l’Ouest Lyonnais

Valérie PORTHERET, Chercheur

Aurélie COLLOMB- PATTON, Psychologue clinicienne

Raphaël VEYRET, Enseignant

Florence PERRIN, ELue à Thurins, vice présidente de la Communauté de Communes des Vallons du Lyonnais, ex Vice présidente de la région Rhône Alpes, ex Conseillère affaires réservées Ministre de la politique de la ville

4 Commentaires sur “NOTRE TRIBUNE CONTRE LES PLACEMENTS ABUSIFS SIGNÉE PAR DES PROFESSIONNELS

  1. Benne says:

    Grand mère victime de l’ASE. J’ai porté plainte pour des services sexuels au sein de la famille d’accueil de mon petits fils et sur lui.
    On m’a carrément enlevé mes droits de visites et d’hébergement. Limité à 1h/mois en présence de deux TS qui font des rapports à charge contre moi.

  2. Labasle says:

    Tout à fait d’accord avec cette tribune. J’aimerai tout de même émettre une réserve concernant le conflit parental car ce terme permet parfois de camoufler en réalité des violences conjugales dont d’ailleurs l’enfant se retrouve co-victime. Il est insensé qu un parent auteur puisse avoir les mêmes droits sur les enfants que le parent victime sans un accompagnement spécifique. En effet, l »accompagnement des auteurs ou des victimes des violences conjugales devraient être reconnu comme une spécialité au vu des complexités en la matière et des compétences spécifiques que cela demande.
    Cela éviterait à ce que des professionnels généralistes prennent des décisions engendrant des situations familiales dramatiques car ils n’auront pas eu le bon prisme pour analyser la situation.

  3. Lombard Jean Marie says:

    L’ase par la séparation des familles ajoute un traumatisme irréversible aux enfants. Ils deviennent des pions sans avenir.

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