L’auteur, Thierry Delcourt, est pédopsychiatre, il dirige l’organisme de formation professionnelle continue des psychiatres. Il est engagé dans la recherche d’une qualité et d’une éthique du soin. Il est l’auteur de « Je suis ado et j’appelle mon psy » et « la folie de l’artiste » aux éditions Max Millo.
A travers ce livre, l’auteur veut lancer un cri d’alerte contre l’utilisation abusive du diagnostic de trouble neurodéveloppemental et le recours excessif à la MDPH, dès qu’un enfant n’entre pas dans les normes standard établies par l’Education Nationale.
« L’enseignement est obligatoire, les parents doivent le respecter, mais l’école doit aussi respecter la singularité de l’enfant ».
Or, on constate que dès qu’un enfant est un peu différent de ses camarades et ne répond pas aux critères standardisés fixés par le système scolaire relatifs aux normes d’acquisitions, à l’apprentissage et au comportement, il est jugé « anormal » et les parents sont systématiquement incités à lui faire subir un bilan, voire un traitement médicamenteux aux conséquences désastreuses pour l’enfant.
Le phénomène des diagnostics abusifs faisant état de troubles psychiques du genre TDAH (trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité) associés à un traitement médicamenteux (souvent à base de méthylphénidate, un dérivé d’amphétamine) est en forte progression en France et n’est plus réservé aux Etats-Unis où leur taux atteint 20% dans certains Etats.
Cette dérive atteint de plein fouet la France et l’Europe où l’on observe que parallèlement à l’expansion mondiale de l’industrie pharmaceutique, le recours aux psychotropes, antipsychotiques, antidépresseurs ou thymorégulateurs chez des enfants dits « hyperactifs » est en forte augmentation, dès la maternelle.
Or, qui n’a pas, enfant, connu de difficultés dans sa vie familiale, scolaire ou sociale ? Certains enfants parviennent plus aisément que d’autres à les surmonter. Certains enfants ont des modes de développement et d’apprentissage différents.
Les données statistiques font état de l’utilisation abusive du diagnostic de trouble du comportement et du recours excessif à la MDPH (maison départementale des personnes handicapées), cela concerne en France, 3% des enfants scolarisés.
Un enfant « différent » ne veut pas dire « déficient » ou « handicapé », son rythme d’apprentissage peut être plus lent, mais se révèlera plus durable que pour d’autres enfants.
Selon l’auteur, l’école prisonnière de ses critères standardisés n’est pas capable de déceler ni de valoriser les richesses que recèle l’enfant en question.
Depuis la loi de février 2005, un effort politique a été entrepris en faveur des enfants handicapés qui présentent une pathologie sévère (autisme, infirmité motrice) et cette avancée ne doit pas être remise en cause.
Toutefois, le champ du handicap ne doit pas absorber à tort des enfants qui présentent des difficultés personnelles ou familiales, mais qui ne relèvent d’aucune pathologie.
Ce livre est un outil pour mieux distinguer la diversité des différences chez les enfants et pour les valoriser, en évitant aux parents de se laisser impressionner par un système scolaire rigide qui tend à stigmatiser l’enfant comme handicapé.
Les premiers chapitres du livre évoquent le cas des enfants pour lesquels l’école recommande aux parents de leur faire subir un bilan psychoneurologique de façon quasi systématique, alors que ces enfants sont simplement « vifs, enjoués, pleins d’énergie, curieux et ne demandent qu’à apprendre ».
Pourtant, dans de nombreux cas ils sont étiquetés comme étant « hyperactifs » et nécessitant un bilan ou une prescription médicamenteuse par des spécialistes hospitaliers.
L’auteur s’insurge contre les diagnostics abusifs de TDAH par des pédopsychiatres, alors qu’il s’agit d’enfants qui ayant traversé des difficultés familiales (séparation des parents, absence du père) réagissent à leur manière, soit en se repliant sur eux-mêmes, soit par la violence ou le refus de l’école, mais ne présentent pour autant, aucune pathologie.
Ces enfants ne sont ni autistes, ni précoces, ils ont seulement besoin d’un suivi attentif des parents et d’un psychologue et reprennent normalement le cours de leur scolarité.
Les parents conscients des dangers des traitements médicamenteux (Ritaline, méthylphénidate) sont amenés à s’adresser à des pédopsychiatres compétents à même de cerner le véritable problème de l’enfant et de l’aider à retrouver un équilibre, sans pression et sans stigmatisation, par le biais d’activités sportives ou ludiques épanouissantes, par exemple.
«L’élément incontournable dans le développement de l’enfant dépend de son affectivité, de son émotivité, d’où sa singularité irréductible ».
Il s’agit donc d’accompagner l’enfant en stimulant ses capacités langagières, psychomotrices, son aptitude à l’abstraction, au repérage spatiotemporel et à la focalisation de la perception.
Les tests et les bilans ne sont que des outils conçus par des humains, soumis à leur subjectivité, d’où le risque de fausses interprétations, car « en mesurant l’intelligence on ne mesure que le mal-être de l’enfant, sa révolte ou son refus ».
L’auteur rappelle que les cas d’anormalité chez l’enfant sont rares, excepté s’il y a eu souffrance néonatale ou encéphalopathie.
Dans les chapitres suivants, l’auteur dénonce les ravages causés par les qualificatifs d’enfant « inadapté », « anormal », « handicapé », alors que ces enfants au comportement parfois rebelle ou violent sont confrontés à des difficultés familiales et ne peuvent pas compter sur l’aide de leurs parents. Ils subissent les remarques négatives des enseignants et les sentences de l’école, tout en s’enfermant dans une violence et une opposition systématique. Ainsi, par la faute d’une mauvaise appréciation des intervenants, ces enfants se forgent un destin de futurs criminels.
Il faut donc impérativement repérer les problématiques relationnelles, les évènements traumatiques qui déterminent le lien de cause à effet entre une situation et les difficultés de l’enfant.
L’auteur évoque ensuite le problème des enseignants confrontés au problème de l’inclusion des enfants en difficulté, tout en ayant la charge d’enseigner à toute une classe. Il incite ces enseignants à accueillir plus favorablement les mesures de l’Education Nationale visant à mettre en place des classes à effectifs réduits.
La MDPH ne doit pas être le seul recours dans l’évaluation du déficit, car dans la pratique les professionnels majorent les symptômes afin d’accroitre les aides matérielles, dans une véritable course au taux d’incapacité.
D’après l’auteur, la MDPH ne doit intervenir qu’en dernier recours, si le handicap devient important.
L’auteur évoque par la suite, la confusion que font certains enseignants qui orientent les parents d’enfants en difficulté vers des spécialistes en neuropédiatrie au lieu de leur conseiller de consulter un pédopsychiatre au motif que ce dernier « n’aurait pas les connaissances nécessaires en neurologie ».
Ainsi, on assiste ces dernières années à « une luttre fratricide entre la psychanalyse et les neurosciences » alors que les deux domaines sont imbriqués et qu’il soit faux de les opposer radicalement.
Il s’ensuit que «le scientisme neuropédiatrique en milieu scolaire a de beaux jours devant lui » et que « le trouble neurodéveloppemental est devenue la référence systématique », simplifiant à l’extrême les véritables causes des difficultés de l’enfant.
Il faut donc se méfier de la « neuromania » et des critères arbitraires du DSM (référence mondiale en matière de troubles neuropsychiatriques) qui s’obstinent « à vouloir trouver à tout prix une cause anatomique et physiologique à une pathologie psychique ».
L’auteur appelle à se garder d’une obéissance aveugle aux recommandations de certaines associations telles que celle d’ »autisme France » exerçant un « lobbying agressif en requalifiant le diagnostic dans une catégorie de handicap » et en niant aux psychiatres et psychanalystes toutes compétences en la matière.
De plus, les instances gouvernementales tendent à avaliser ce virage vers le « tout neurodéveloppemental ».
Les parents sont fortement invités à être vigilants quant au choix du spécialiste et aux techniques de rééducation proposées à leur enfant.
Par ailleurs, il parait primordial que les experts et la commission de la MDPH intègrent dans leur personnel des psychiatres et des psychologues à même de repérer les facteurs psychiques qui peuvent être associés à d’autres composants neurologiques.
Pour l’auteur, il est inacceptable de constater les fautes d’appréciation qui conduisent à rééduquer sans discernement et à isoler des enfants en difficulté dans des classes spéciales, sans prendre en compte l’origine psychosociale de leur mal-être.
En conclusion, l’auteur insiste sur le fait que dans le cadre scolaire, il faille absolument privilégier l’interaction entre les élèves en mettant en place dans les classes une réelle inclusion des enfants en difficulté, certains enseignants sachant générer une empathie inter-élèves alors que d’autres « ne s’adressent qu’à l’élite en laissant de côté les élèves qui ne suivent pas ».
Les enseignants doivent considérer les parents comme des « personnes-ressources » et non comme des ennemis qui s’opposent à leur autorité au nom de la protection de leur enfant. Quant aux parents, ils doivent veiller à ce que leur enfant soit légitimé dans sa place d’élève et non pas stigmatisé comme « anormal » ou « handicapé », du fait qu’il soit différent.
Pour l’auteur, « la qualité d’une politique d’inclusion doit se mesurer à la façon dont elle prend en charge le plus délicat : offrir une place incontestée à un enfant atteint d’autisme, avec ce que cela implique de difficultés de comportement et d’apprentissage ».
En effet, pour Thierry Delcourt, « les capacités d’apprentissage et le déploiement de l’intelligence ne peuvent se développer que si l’on prend en compte la dimension holistique de l’enfant et que si l’on donne la même valeur à toutes les acquisitions : intellectuelles, manuelles, artistiques et techniques ».